Le droit des pères, Cali en a fait une chanson, et clame : «J’ai perdu la plus importante de mes guerres, te voir grandir tous les jours mon enfant.» Thierry Henry, trente ans, vit cette douleur au quotidien. Dans sa chair. Dans son cœur. Au point d’en oublier sa réserve habituelle. Mercredi 12 mars, à 17 h 30, au Camp Nou (nom du légendaire stade de Barcelone où il évolue), l’attaquant français a déboulé en pleine conférence de presse. Et a craqué. «Comme vous le savez, j’ai eu des problèmes personnels (un divorce en septembre dernier, ndlr) et je ne suis pas heureux, parce qu’un père qui n’a vu sa fille que cinq fois au cours des huit derniers mois ne peut pas l’être», a-t-il lâché. Un peu plus tôt, à l’un de nos confrères de l’Equipe, il confiait : «J’ai souvent mis ma carrière avant tout le reste. Le fait de ne pas avoir ma fille à mes côtés me fait prendre conscience qu’il y a des choses plus importantes. Quand tu ne te sens pas en harmonie dans ta vie privée, ce n’est pas toujours évident de donner un bon rendement sur le terrain.»
Car tel est bien ce que la Catalogne lui reproche. Elle ne reconnaît plus en lui ce héros qui brillait sur la pelouse anglaise avec Arsenal. Et ce en dépit des treize buts marqués (ce qui en fait tout de même le deuxième meilleur buteur du club), dont deux qui ont permis au Barça de se qualifier pour les demi-finales de la coupe du Roi. Mais ici, comme ailleurs, on brûle vite ses idoles. Il aura suffi d’une ultime défaite, dimanche 9 mars, contre Villarreal, de la sortie de Titi à la soixante-sixième minutes et – sacrilège – de son départ du stade avant la fin du match, pour que la machine à broyer s’emballe. Et qu’importe si le Français ne joue jamais à son poste habituel (il est souvent sur le côté gauche alors qu’en Angleterre ou avec les Bleus, il évolue en pointe), les supporters en veulent pour leur argent. Vingt-quatre millions d’euros. C’est le montant de son transfert l’été dernier. «Je suis arrivé à Barcelone blessé», a confié l’intéressé.
Une blessure tant physique (les adducteurs gauches) que morale. Car le joueur n’a pas seulement changé de pays. Au même moment, Nicole Merry (Claire de son vrai prénom), madame Henry depuis le 5 juillet 2003, a demandé le divorce. Et invoquant le «comportement déraisonnable» de son mari (une liaison extraconjugale, dit-on), elle a réclamé quinze millions d’euros et la garde de leur fille, Téa, née le 27 mai 2005.
Le 3 septembre, un tribunal du centre de Londres a officialisé cette séparation. Un bref jugement rendu en présence des avocats respectifs. Suivi d’un communiqué lapidaire pour dire que le footballeur était «très attristé par la fin de son mariage et souhaitait maintenir la meilleure relation possible pour le bien de leur fille qu’il aime très fort». S’ensuivit un long silence que Thierry Henry vient donc de rompre, à bout de force. «Aujourd’hui, concède-t-il, si je dois absolument privilégier un objectif, c’est de voir ma fille plus souvent. Je donnerais volontiers tous mes titres pour rendre la chose possible.» Les maux d’un père. Jeanne Bordes
Article paru dans le magazine Gala du 19 mars 2008
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